Messages : 83 Date d'inscription : 30/06/2015 Age : 36 Localisation : Pont-à-Marcq
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Sujet: ACTE I - Par les Flammes - Epilogue Mar 27 Oct - 13:47
Les Lames du Cardinal
ACTE I - Epilogue
La pluie tombait sur Paris en ce jour du 7 Octobre 1643. Les gouttes frappaient le sol en soulevant une auréole d'eau avant de disparaître dans la boue de l'allée. Elle menait à une grille de fer sombre, cintrée de deux piliers de pierre sur lesquels se tenaient des gargouilles ailées à l'air sinistre.
11 personnes y avançaient, les bottes se salissaient, le bas des robes noires prenait une teinte ocre. Mais le convoi n'en avait que faire, ils avançaient lentement en suivant 4 hommes qui portaient sur leurs épaules, un lourd cercueil de merisier ciré, orné de filaments et de poignées dorées. Les larmes coulaient et tombaient des joues pour se perdre avec la pluie, et même les bésicles rouges de l'un des deux hommes au devant du cercueil n'arrivaient pas à les cacher. Ces larmes étaient accompagnées par les sanglots de la première femme du convoi qui d'une main, essayer d'éponger ses joues avec un mouchoir, et de l'autre, enserrait un ventre rond.
Tout le monde finit par s'arrêter dans l'allée, pour faire face à un tombe fraîchement creusée. Les 4 hommes portant le cercueil s'avancèrent, deux de chaque côté de la fosse. D'un regard ils se mirent d'accord et posèrent doucement leur charge sur quatre cordes tendues en travers. Saint-Lucq regarda l'homme qui lui faisait face, qu'il n'avait pas vu depuis de longues années. L'homme était assez fin, ses cheveux courts non coiffés aplatis par la pluie et les yeux rougis par le chagrin. Saint-Lucq se rappela l'homme qu'il avait connu autrefois, remplis de fougue et de joie de vivre, mais ce temps était fini. Il se fixèrent pendant un moment avant que Nicolas Marciac ne se tourne vers les deux hommes à leurs côtés. Enrique regardait fixement le cercueil, ses larmes tombant puis ruisselant sur le bois ciré. En face de lui un homme qui malgré sa soixantaine d'années passée, avait tenu à emmener son ami dans son dernier voyage. Ami que plus jamais il ne reverrai dans sa librairie pour de longue discussion.
La femme qui tenait son ventre s'avanca pour poser une dernière fois la main sur le cercueil.
"Adieu mon amour."
Elle fit un signe à Marciac et les 4 hommes saisirent les cordes, les dénouèrent, et lentement firent descendre le cercueil, dévoilant le marbre de la stèle nouvellement taillée.
Aude de Saint-Avold ressombra dans les pleures en voyant son mari disparaître sous terre, un bras vint l'entourer pour la serrer contre elle. Aude se laissa tomber dans les bras de Louison d'Aramis, elle-même les yeux embués de larmes, pour éclater en sanglot. Les pleures de la femme de Laincourt furent un nouveau coup dans le cœur des Lames, d'autant plus qu'ils avaient découvert le jour même qu'elle attendait ce qui aurait dû être, un heureux événement.
Un toussotement d'impatience retentit un peu plus loin dans l'allée où 3 fossoyeurs attendaient de reboucher le trou et n'avaient visiblement pas envie d'attendre plusieurs heures sous la pluie. Alors qu'une femme habillée avec une tenue de châtelaine de St-Georges allait protester contre cette intrusion, Saint-Lucq avait déjà commencé à avancer dans leur direction. D'un mouvement, il écarta sa cape du côté gauche et révéla la poignée de sa rapière, mais sa main agrippa une petite bourse qu'il leur lança nonchalamment et d'un signe de tête leur intima l'ordre de partir.
Il revint en tenant trois pelles et en tendit une à Marciac, et une autre à Enrique. La main tremblante de ce dernier se referma autour de manche mais il dût attendre que Saint-Lucq et Marciac aient planté leur pelle dans le tas de terre prévu à cet effet pour se résigner à la tâche. Ils commencèrent alors, pelletée après pelletée, à reboucher la tombe. A chaque fois que la terre heurtait le bois du cercueil, tous les membres de l'assemblée tressaillaient de douleur.
Tous savaient à présent comment le capitaine des Lames avait péri, des mains de la Magicienne. Mais il avait ainsi permis la mort du Duc de Guise, le Genthilhomme au Corbeau, un grand Dragon de la loge des Arcanes. Pourtant, ils étaient tous d'accord sur un point, quelque soit le Dragon abattu, quelles que fussent ses actes, cela ne valait pas la mort de cet homme.
Laincourt s'était toujours montré d'une indéfectible loyauté, d'un talent remarquable à l'épée, doté d'un nombre impressionnant de connaissance, capable de surmonter toutes les difficultés et ne laissant jamais transparaître ses émotions. Il fut un modèle pour chacune des Lames. Qu'arriverait-il aux Lames après ça ? Comment pouvaient-elles se remettre d'un tel coup.
Le ciel se noircit encore alors que le rebouchage de la tombe se terminait. Les trois pelles finirent posées sur l'allée et tous firent face à la tombe pour un dernier moment de recueillement. Jules Bertaud, le vieil homme qui portait le cercueil alla rejoindre sa fille Clotilde qui pleurait à chaude larme, et la prit dans ses bras.
Chacun passa à son tour devant la tombe pour faire ses adieux au capitaine. Ce fut Saint-Lucq qui passa le premier, il fixa le nom sur la tombe et fit un simple signe de croix sur son torse avant de partir, sans un mot, en remontant l'allée. Puis passèrent Jules et Clotilde, et la voix brisée du vieil homme qui faisait ses adieux à son ami fit tomber le moral des personnes présentes encore un peu plus bas. Ils reprirent leurs places et se fut aux Lames de se succéder, chacune ajoutant un mot touchant pour le défunt. Estienne et Cyril étaient rongés par la culpabilité de n'avoir rien pu faire, Louison et Estéban avait perdu un ami cher, Lévina était complètement abbatue et Maximilien, Ange et Costa ne comprenait pas comment cela pouvait être réel.
Enrique après avoir repris sa place, regarda Nicolas Marciac et Agnès de Vaudreuil passer à leur tour. Puis il regarda l'assemblée. Il était celui des Lames actuelles qui connaissait probablement le mieux Laincourt mais il avait compris trop tard ses réelles intentions. Hormis des Lames ... il n'y avait que 2 personnes présentes pour l'enterrement de Laincourt, alors qu'il avait passé sa vie à aider.
Une fois Aude de St-Avold passée, tout le monde se remit lentement en route sur l'allée boueuse. Louison aida Aude à remonter dans son carrosse puis elles rejoignit les Lames devant la grille.
Les nouvelles Lames et deux des anciennes restèrent devant le cimetière à regarder la grille. Puis la châtelaine commença à avancer dans la rue mais s'arrêta après quelques pas.
"Voilà la vie que vous avez choisi ..." commença Agnès, la voix tremblante.
Marciac se rapprocha d'elle et tendit la main pour lui dire d'arrêter mais elle l'écarta et reprit, sa voix se déchirant un peu plus.
"Ils doivent savoir ! Il n'y a que la mort et ce cimetière au bout du chemin ! Soit pour vous, soit pour les amis qui vous entourent. Il n'y aura jamais que la souffrance dans votre vie ! Être une Lame est peu être une bénédiction pour la France, mais c'est une malédiction pour vous !"
Marciac tenta à nouveau de s'interposer et fut une nouvelle fois repoussée et Agnès prit le chemin de l'Enclos du Temple. Il baissa doucement les bras et se tourna vers les Lames.
"Elle n'a pas complètement tort vous savez, soyez sur d'être à votre place ici ..." Il laissa un blanc et reprit la tête basse "... car il n'y aura pas qu'Arnaud qui finira ici."
Il fit un petit salut de tête et emboîta le pas à Agnès, cette dernière tourna à droite après le cimetière, Marciac s'arrêta à l'intersection, tout le monde pensait qu'il rattraperait l'ancienne Lame, son amie, mais il ne fit que regarder dans sa direction, puis il réajusta son col, mis les mains dans ses poches, et continua seul sous la pluie... Qu'est-ce qui avait pu autant les détruire ?
C'est par cette pluvieuse journée d'Octobre que les Lames comprirent ce que signifiait réellement "être une Lame". Servir la France, lutter contre les Dragons, se battre jour après jour pour l'espoir d'un avenir meilleur. Mais surtout, cela signifiait mourir seul ...